mercredi 5 juillet 2017

Lady S tome 13 : encrage de la planche 26.

Ce matin, neuf heures. Les pulsations cardiaques et les premières notes de piano du thème de Peur sur la ville résonnent sur ma platine. Puis le siffleur Alessandro Alessandroni attaque la belle et inquiétante mélodie. Une des meilleures bandes originales d'Ennio Morricone datant de 1974, insurpassable. Je sens monter la tension, comme s'il allait se passer quelque chose de terrible, ici-même dans mon atelier.

Sur ma table à dessin, ce qui va se passer n'est pas si terrible, je vous rassure. C'est juste l'encrage de la planche 26. J'imprime le crayonné en bleu léger sur un bristol format A3, léger lui aussi (190g). Pour attaquer en douceur, j'encre le bord des cases au feutre calibré 0.2.


Je commence par la dernière case, comme ça, sans raison spéciale. D'abord, j'encre les lignes principales au pinceau, un Isabey Spécial N°2 d'excellente tenue qui m'a déjà accompagné sur tout le tome 12.


La dernière case est faite, je remonte le fil du temps de papier (c'est beau, ça, le fil du temps de papier, hein ? Non, c'est lourdingue ? bon, bon, okay... On oublie...).
Sur l'avant-dernière case, c'est un nouveau personnage de la série qui apparaît : Léa Rossi. Ce nom est un petit clin d'oeil à une BD des années 80, un petit bijou signé Serge Letendre et christian Rossi.
Après avoir tracé les lignes fortes au pinceau, c'est avec des feutres calibrés de tailles diverses et à la pointe souple que je finalise les cases. Les derniers aplats noirs sont ajoutés au feutre pinceau.



Le dernier strip se termine. J'y reviendrai sans doute pour ajouter quelques détails. En attendant, je remonte d'un cran et j'entame le deuxième strip.


Cette page est ce qu'on peut appeler une planche intermédiaire, un de ces indispensables passages dialogués qui font progresser le récit mais qui n'offrent pas d'excitation graphique particulière. Pour corser la chose, je me suis imposé une planche de bla bla autour d'une table, avec des personnages qui mangent tout en parlant. Un exercice que les dessinateurs détestent en général. Et si je n'en étais pas moi-même l'auteur, je maudirais sûrement le scénariste d'avoir écrit cette scène.


Après avoir encré la case 5 et un bout de la case précédente, je remonte jusqu'au premier strip pour encrer la case 2. Ne me demandez pas pourquoi, je fais ça au feeling, il n'y a pas de logique. Juste le signe, peut-être, d'une baisse de concentration. D'ailleurs, j'ai raté le trait de contour du visage sur le gros plan de Shania. Je dois le retoucher. Un coup de gouache blanche, repassage du pinceau... Okay, c'est bon, ni vu ni connu, personne ne saura que je me suis planté sur ce trait.



12h45, c'est l'heure de la pause déjeuner. Voilà plus de trois heures que j'encre des personnages qui mangent de la pizza, ça m'a largement ouvert l'appétit.



Retour au boulot. Je finalise les cases laissées en suspens avant le repas.
Plus que deux cases à faire.
Et là, c'est le drame ! Mon fidèle pinceau me trahit, il fourche lamentablement. Jamais plus il ne me fera cette si belle pointe que j'attendais de lui.
Je me doutais qu'il allait se passer quelque chose de terrible aujourd'hui. Jamais je n'aurais dû mettre Peur sur la ville sur la platine pour entamer la journée.
Je laisse tomber une larme sur ma table à dessin, et mon pinceau dans la poubelle. Mais pas l'encrage de la planche. Je dois me ressaisir, ne pas abdiquer face à cette petite défaillance de matériel.

Heureusement, j'ai mon arme secrète : un Winsor and Newton Series 7 N°1, acheté à Glasgow lors de mon dernier séjour en Ecosse.
Oui, je sais, on trouve les mêmes en France... Mais pas avec ces beaux étuis protecteurs. En tout cas pas dans ma papeterie habituelle.


La pointe est parfaite. Reste à voir comment il réagira à l'encre de Chine. Certains fourchent dès la première utilisation, les fourbes !



Apparemment, ce nouveau pinceau se laisse dompter. Fin du deuxième strip sans accrocs.


Plus qu'une case à faire. Il me faut près d'une heure et demi pour l'encrer. Je reviens ensuite sur l'ensemble de la planche, ajoutant des détails ici et là. Ma journée de travail s'achève. Il me reste encore à scanner la planche, faire disparaître le bleu du crayonné et préparer le fichier trait en noir et blanc, que j'enverrai ensuite à Sébastien Gérard pour la mise en couleur.